13e convention Esprit de Service France, table ronde animée par Bertrand Moigeon

Convention 13 - Table Ronde

13e convention Esprit de service France « L’humain au cœur de la transformation ».

Convention 13 Esprit de service France : « L’humain au cœur de la transformation ».
Table ronde réunissant Patrick Bonneau (GRDF), Frédéric Rostand (Nemrod), Xavier Guichard (Manutan France), Nathalie Watine (Bouygues Immobiler), Serge Dérick (Groupe BPCE) et Denis Masseglia (CNOSF). Le débat est animé par Bertrand Moigeon (ESCP).

Dans un monde en constante mutation, l’entreprise, l’organisation, l’entreprise ne peut que se transformer.
Partant de ce constat, Bertrand Moigeon pose le débat « Comment gère-t-on l’expérience client, celle du collaborateur – bref, quelle place à l’humain, au sein de ces changements ?»
Patrick Bonneau relate la mutation vécue par GRDF. Le développement et la promotion du gaz vert, le bio méthane, en France s’inscrit dans une transition énergétique attendue par le citoyen et voulue par le gouvernement. C’est ce challenge qui est porté par l’entreprise et aussi par l’ensemble de la filière.
Exigeant un savoir-faire, une technologie et des infrastructures spécifiques, ce challenge implique une transformation profonde de l’entreprise. Concrètement, il s’agit de soutenir les projets, accompagner tous ceux qui portent cette nouvelle donne énergétique, les aider dans la conception et le raccordement, il s’agit aussi d’accompagner les territoires dans leur prise de conscience et l’acceptabilité de la démarche. Tout cela implique non seulement de nouvelles compétences au sein de l’entreprise, et aussi d’en faire évoluer les métiers en amenant l’ensemble des collaborateurs à intégrer la dimension Gaz Vert dans leur activité.
Il s’agit donc de se poser la question « À quoi cela sert ? Pourquoi on le fait ? » tout en sachant que plus d’efficacité énergétique induit moins de volume transité et donc moins de revenus…
Il faut donc augmenter ce volume transité, bien que l’activité de GRDF soit régulée.
L’enjeu est donc de mobiliser pleinement salariés et manageent, afin d’amener chaque équipe de travail à faire cette démarche de compréhension du sens, de construction collective. Et en corollaire, réfléchir à la meilleure manière d’améliorer les performances et la productivité afin de dégager les ressources nécessaires au développement du gaz vert.
Pour Nathalie Watine, l’humain est au cœur de la mission de Bouygues Immobilier « on construit pour loger, nous sommes des créateurs de mieux vivre afin de faire mieux vivre les gens ».
Cependant, l’arrivée du digital a profondément bouleversé une méthode de travail longtemps figée. Et cette transformation fut d’autant plus rapide que le secteur a été impacté avec un effet retard par rapport aux autres secteurs. Cette transformation a été globale et accélérée : l’ensemble de la chaine et des métiers ont été concernés.
Et bien plus que la dimension technologique, la principale difficulté a été le facteur humain : « comment changer la manière de faire, comment embarquer rapidement et comment gagner la bataille de la vitesse ? ».
Plus concrètement, comment faire comprendre à chacun que son rôle, son métier n’est pas remis en cause, mais qu’il est impératif de transformer sa manière de faire, d’évoluer ?
C’est là tout le sujet de l’humain au cœur de la transformation.
Serge Derick revient sur cette notion de vitesse. Une fois que l’intention est là, comment la transformer en réalité avec efficacité ? Deux conditions pour cela :
En premier lieu, agir en collectif : « On n’y va pas seul ! » Basée sur une intention partagée, la démarche implique un travail en équipe en associant le business, la qualité, les RH, le retail …
En second lieu, agir vite : un « time to client » ou « time to market » le plus court possible pour obtenir un impact sur le réel, avec un effet mesurable.

Convention 13 - Table Ronde illustration 2

S. Derick expose sur un exemple concret : les clients sont parfois insatisfaits de leur changement d’interlocuteurs. Comment remédier à cela ? On constate du coté RH que ces changements peuvent résulter d’une montée en expertise constatée ou d’une promotion ; bref, une démarche qui va dans le sens du développement des compétences du groupe et dans l’intérêt du collaborateur. Satisfaire mieux le client ici doit donc passer par une approche basée sur la symétrie des attentions et une action collective qui va impacter les politiques commerciales, de distribution…et, simultanément, les politiques RH.
Xavier Guichard dirige Manutan, une entreprise familiale, une ETI créée il y a une cinquantaine d’année. En cela, l’humain et la transformation sont les fils rouges de l’évolution de l’entreprise. Et lorsqu’il a fallu faire évoluer en urgence des systèmes d’information obsolètes, plutôt que de se précipiter et de risquer l’erreur, l’entreprise a logiquement opté pour une approche différente. Les 600 collaborateurs ont en effet eu à se prononcer : « Quelle serait vos préconisations si vous pouviez améliorer à la fois votre expérience et celle du client ? ». C’est sur cette base que le projet a été pensé et élaboré. Celui-ci, vécu d’abord comme une contrainte car généralement coûteux et douloureux, c’est finalement révélé être un véritable levier de l’engagement collaborateur. Ce sont eux qui l’ont porté, en sachant pourquoi ils le faisaient : à leur service et au service du client.
Pour Frédéric Rostand (Nemrod), l’entreprise est désormais constamment sujette à la transformation et aux changements. Situation anxiogène par excellence, celle-ci doit être envisagée en se conformant à certains impératifs incontournables.
Tout d’abord, communiquer de façon claire et intelligible sur l’entreprise et sa stratégie, ses éléments de réponse. « L’entreprise est mortelle et si elle ne s’adapte pas, sa fonction de création de richesse, pour toutes les parties prenantes, sera menacée. »
Autre point important : être en mesure, très rapidement, d’indiquer à chaque collaborateur impliqué, quelle sera sa place dans l’organisation future, pour rassurer dans la mesure du possible.
Enfin, la formation continue. Chaque adaptation nécessite intrinsèquement un accompagnement pédagogique. Non seulement nécessaire, la démarche a également des effets vertueux, notamment en terme de reconnaissance des salariés.
Denis Masseglia offre un autre regard. Si le CNOSF n’est pas une entreprise, l’organisation se heurte elle aussi aux transformations imposées par un contexte sociétale changeant. On parle par exemple d’ « Ubérisation » des pratiques sportives. Mais, comme le souligne D. Masseglia, on observe que ces pratiques de groupe spontanées relayées par les réseaux sociaux éprouvent à plus ou moins brèves échéances, le besoin de se structurer autour d’un club ou d’une fédération. Et c’est à elles et, par extension, au CNOSF de s’adapter à ces nouveaux besoins.
Autre exemple d’adaptation par l’intelligence collective, la création d’une Agence Nationale du Sport à l’occasion de Paris 2024. La structure permet aux différentes parties prenantes, fédérations et autres, de s’inscrire dans une approche plus proactive pendant cette période de préparation et d’organisation. Prenant activement part aux décisions prises, les fédérations sont désormais convaincues de l’utilité d’une telle structure.

Question de B. Moigeon : « Comment donner une place centrale à l’humain dans la transformation avec des actionnaires parfois orientés vers d’autres objectifs ? »
S. Derick souligne que la BPCE étant un groupe coopératif, ce sont les clients qui en sont actionnaires. Autre particularité quant à ce retour d’expérience, la BPCE est l’organe central d’un système de banques totalement décentralisé.
Dans un tel contexte, S. Derick insiste sur l’importance d’avoir dès le départ, une ambition forte et puissante. L’amélioration ne suffit pas ! Il s’agit de combiner volonté et audace pour changer réellement les choses. Et dans la logique décentralisée qui est la leur, il faut « à la fois voir loin et agir au plus près du terrain ». L’expérimentation est une des clés de cette approche : elle permet d’«embraquer, de fédérer en donnant envie et fierté, tout en misant sur le collectif ». Co-thinking, Co-construction : pour envisager la transformation, on donne d’abord la main aux entreprises en local. Bref, valoriser les initiatives locales et de terrain pour donner l’envie et créer l’émulation.
Pour N. Watine, la question peut se poser : l’entreprise vise évidemment l’efficience, la productivité et le résultat … Mais la seule manière d’y arriver reste d’engager les hommes et les femmes qui la constituent dans une démarche commune ! Bien entendu, des investissements sont nécessaires, mais s’il y a moins de turn over, moins d’absentéisme et plus de motivation, « tout cela suit ! »
Pour F. Rostand, la question se pose effectivement. Il est impératif pour l’entreprise d’avoir le bon actionnaire pour son projet. Et le rôle désormais incontournable des fonds d’investissement a profondément transformé attentes et enjeux : une vision court-termiste combinée avec une conception assez anglo-saxonne considérant l’entreprise comme étant au seul service de son actionnaire.
S’en suivent les licenciements boursiers, situations absurdes et humainement inacceptables…
Ce contexte rend l’exercice du management extrêmement difficile.
P. Bonneau revient sur la notion de vitesse, inhérente à la transformation. Celle-ci peut donc également être issue des attentes des actionnaires. Situation paradoxale : nous inscrivons nos transformations sur des temps de plus en plus courts alors que nos mutations s’inscrivent elles sur des temps longs.
D’où l’impératif d’adopter un management qui va permettre ces agilités.
La nécessité de transformer est acquise, mais il faut le faire dans une posture managériale qui le permette : le collaborateur a toute sa place mais le management, tout autant. Dès lors, comment accompagner efficacement le management dans cette démarche ?
Les groupes familiaux s’inscrivent souvent dans des temps plus longs. C’est un avantage, d’autant plus que la cohérence est d’ordinaire de mise en l’actionnariat et la direction. Pour autant, X. Guichard précise : les contraintes concurrentielles impliquent aussi réactivité et agilité …
Aussi, comment assurer la cohérence sur l’ensemble de la chaine managériale, de l’actionnaire au management de proximité. Processus long et difficile à mettre en place, cela revient à « tordre » le modèle, à revoir les priorités en investissant plus dans la formation, le coaching, le cadre de travail …Manutan a également fait un travail de fond et structurant en réfléchissant sur la notion de performance pour la définir ensuite au travers de 3 NPS : NPS Client, NPS Collaborateur, NPS Fournisseur. Le groupe est considéré comme progressant dans le bon sens quand ces trois taux, accompagnés des indicateurs financiers du chiffre d’affaire et du résultat, atteignent de bons niveaux.
Pour compléter le dispositif, l’ensemble des collaborateurs ont une part de salaire lié au NPS Client et une quinzaine de dirigeants du groupe ont le leur lié au NPS Collaborateur.

Convention 13 - Table Ronde illustration 1

Question de B. Moigeon : « Quelles sont les initiatives que vous avez mises en place ou que vous souhaitez mettre en place pour développer cet esprit de service en interne et en externe ? »
S. Derick évoque la création il y a deux ans d’un Lab. RH au sein du groupe BPCE sur le thème « Comment améliorer l’esprit de service ? ». Très rapidement, le Lab a produit des livrables concrets, notamment en terme de relationnel client. Cette base a permis la création de kits listant différents types de situations client et les attitudes relationnelles à adopter. Dans une même logique déjà évoquée, ce fut aux agences en local de mettre en œuvre ces outils de manière pragmatique. Par extension, souligne S. Derick, la démarche permet également d’appréhender les soft skills, base des métiers futurs, où il s’agira de passer d’une logique de produit à une logique de service et d’expertise.
Passée cette étape orientée « client », le Lab RH s’attache aujourd’hui à développer cet « état d’esprit en interne ».
Se pose alors la question suivante : « Doit-on s’attacher à améliorer l’expérience client dans un premier temps et celle du collaborateur par la suite ? Dans quel ordre appréhender la démarche ? » (Cf. V. Nayar « Employees First, Costumers Second »)
Pour S. Derick, il est d’abord important de se poser la question de la création de valeur d’une entreprise au sens large : elle ne peut être uniquement économique. Pour le groupe BPCE, elle est sur le territoire, sur les infrastructures ou l’environnement (via le financement) …Poser cette logique permet de mieux ordonnancer les choses : il n’est pas question de formaliser avant ou après, « mais de le faire en même temps, à côté et pour ».
Cette thématique évoque à P. Bonneau celle de la « raison d’être » d’une entreprise : « À quoi je sers ? À quoi mon équipe peut-elle contribuer ? Pour quelle finalité ?»
La mission de service publique de GRDF implique de nombreuses parties prenantes qu’il s’agit toutes de satisfaire : « On sait pourquoi on travaille et on sait pourquoi on s’engage. » Et considérant également l’obligation de toute entreprise de délivrer des résultats, celle-ci ne pourra le faire qu’en développant les compétences, la responsabilisation, une construction commune du sens, la prise d’initiative … C’est donc un tout qu’il convient de gérer globalement.
L’approche est sensiblement différente pour le CNOSF : les clients sont les fédérations et les clubs affiliés. Pour autant, le comité est une PME de 88 collaborateurs dont le management s’apparente à celui d’une entreprise. Le comité d’organisation Paris 2024 en comptera 4000 au lancement des jeux. Et pour jouer un rôle actif dans l’aventure, le CNOSF a aussi dû se transformer et s’adapter. « …Celui qui ne veut pas changer recule. Et on ne peut pas se permettre de reculer, en tout cas ce n’est pas un langage sportif ! » rappelle D. Masseglia…
L’idée fut donc d’inciter les collaborateurs à faire preuve d’adaptabilité et d’agilité en co-construisant un projet reposant sur une série d’actions concrètes et constructives.
Création d’une chaîne de télévision (« Sport en France »), création des trophées « Club Plus », récompensant les réalisations sociétales issues des clubs les plus marquantes, création de l’application « Mon Club près de chez moi », facilitant l’inscription en club, l’organisation des « Jeux des Jeunes » en 2021 ….
C’est par cette implication concertée et une solide connaissance du maillage sportif sur l’ensemble du territoire que le CNOSF peut aujourd’hui se prévaloir de la mise en place d’actions emblématiques.
Et profitant de l’élan créé par Paris 2024, le CNOSF, désormais aux premières loges, participe pleinement à faire vivre ce que D. Masseglia désigne comme « le moment sportif » par excellence : les Jeux Olympiques de 2024.

Esprit de Service France – novembre 2020

 

PARTAGER
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies uniquement à des fins statistiques et pour permettre le partage de pages sur les réseaux sociaux.