Convention 17Bis -Table ronde 1

17 eme convention Esprit de Service France – table ronde « Relation commerciale : consensus et paradoxes »

Première table ronde, de cette 17 ième convention ESF – seconde partie, celle-ci porte sur les paradoxes analysés et soulignés dans le cadre de l’enquête menée en 2022 par talk4 sur l’évolution de la relation commerciale, au sein du Lab’ Esprit de Service France.
Elle réunit :
  – Jean-Yves Lépine, Trésorier Esprit de Service France et Responsable Innovation pour le pôle clients, services et territoires, EDF
  – Agnès Baillot, Secrétaire Générale Esprit de Service France et Déléguée Expérience Client, GRDF
  – Emmanuel Richard, Administrateur Esprit de Service France, fondateur du cabinet Extens Consulting.
  – Valérie Vidal, Adhérente Esprit de Service France, co-fondatrice du cabinet Communication Qualité
Cette première table ronde est animée par Frédéric Bonneton – CEO de MCR.

F.B. entame cette rencontre par un premier paradoxe identifié : les commerciaux disent que la valeur essentielle reste la relation humaine et en même temps, que la distance va demeurer un élément incontournable de la relation commerciale. Comment fait-on donc pour valoriser une relation commerciale alors qu’elle est en train de se distancier ?
Pour Emmanuel Richard, le Covid a fait émerger 3 défis : la joignabilité, la convivialité, la spontanéité.
Il est difficile aujourd’hui de joindre quelqu’un, prospect ou client. Il est rare qu’il soit disponible et prêt à prendre son téléphone. C’est le premier défi d’un commercial aujourd’hui qui a besoin de communiquer et d’échanger.
La convivialité se fait rare également. Le seul fait de partager un café permet de briser la glace, d’entamer un échange. Les rendez-vous se faisant désormais en Visio-conférence, le moment est difficile pour beaucoup de commerciaux : l’entrée en relation est difficile, il faut aller directement au sujet.
Pour illustrer la spontanéité, E.R. parle du silence comme moment extrêmement puissant. Le silence spontané lors d’une réunion pendant un temps de réflexion. Cette spontanéité disparait également en visio-conférence.
E.R. complète : en vue de cette table ronde, il fait une recherche internet pour consulter des photos de commerciaux. Celles qui datent depuis plus de trois ans montrent des personnages souriants et de franches poignées de mains. Celles de moins d’un an les présentent assis derrière un ordinateur.
Perte de joignabilité, de convivialité, de spontanéité. Tout cela représente un frein. Il faut donc pouvoir les réinstaurer.
Devant la difficulté de joindre les personnes, il faut programmer et planifier les échanges – voire instaurer le rituel d’un échange par mois pour communiquer des informations à valeur ajoutée et susciter l’envie du client de partager en retour des informations.
Il s’agit également de fixer des rendez-vous, déjeuners par exemple, pour retrouver une forme de convivialité.
Un paradoxe en effet : si nous voulons surprendre aujourd’hui, il faut se préparer !
Et c’est applicable également en visio-conférence, en instaurant des rituels, surprendre.

Deuxième paradoxe : à la question « Qu’est-ce qui fait la relation commerciale ? », la réponse est : la relation humaine. À la question « que faut-il pour l’améliorer ? », la réponse est « plus de processus, d’outils, de logiciels … »
Pour Jean-Yves Lépine, si les commerciaux ont besoin d’outils performants, c’est justement pour pouvoir se focaliser sur la relation. S’ils doivent naviguer sur plusieurs systèmes pour connaitre un client et savoir où il se situe dans son parcours, ils prennent le risque d’irriter le client.
Connaitre ces informations permet au commercial de rejoindre le parcours du client au bon moment, en s’assurant qu’il ne fait pas redondance, pour continuer à l’accompagner de façon à ce que celui-ci soit certain d’avoir fait le bon choix.
Il y a cependant une grande différence entre le B to B et le B to C. Un particulier est le mieux placé pour savoir ce dont il a besoin, même si le commercial a un rôle de conseil et est porteur d’un complément d’information.
Le commercial en B to B a également une valeur d’expertise et d’expérience.
J.Y.L. parle ainsi de son expérience dans le domaine de l’énergie, domaine où les clients se sentent un peu perdus. Il est donc nécessaire de les écouter, leur offrir une qualité relationnelle afin qu’ils soient en confiance avec la personne qui va leur vendre une solution personnalisée qui réponde à leurs besoins. Il faut aider le client à expliciter les usages qu’ils souhaitent avoir pour que les solutions proposées soient ciblées. Le client a besoin des éléments que le vendeur va lui communiquer et le vendeur a besoin de comprendre le contexte du client. Il convient donc qu’il soit également expert de la relation, capable de comprendre un certain nombre de choses, y compris des émotions qui peuvent être négatives pour savoir comment porter tel ou tel message – voire proposer un produit différent de la demande initiale, mais justifié par le contexte.
Nous sommes dans un monde complexe. Avoir le sens de la relation devient impératif.
Il faut être « amoureux » du problème du client, non de la solution que nous lui proposons.
C’est à cette condition que nous lui apportons la bonne solution en étant un expert du produit et de la relation.
C’est à cela que doivent servir les outils numériques mis à disposition des commerciaux. Il doit s’agir « d’outils béquilles » qui lui permettent de trouver l’information dont il a besoin. En effet, le commercial ne peut pas avoir en tête la multitude d’informations dont il a besoin pour exercer son métier.
Il faut donc donner des outils au commercial pour travailler sur le « quoi » et le laisser libre sur le « comment ».
JLY précise : ces outils doivent être internes, aptes à résoudre une demande client potentiellement complexe. Une demande simple peut être résolue par un client autonome. Il faut que le commercial ait des marges de manœuvres, notamment plus de flexibilité que peut offrir un système grand public.
Et JYL de conclure, ce n’est donc pas un paradoxe, c’est un vrai sujet et il faut concilier les deux : plus d’humain et plus de numérique.

Troisième paradoxe : alors que les commerciaux sont en première ligne, ils ont le sentiment que le management ne les suit pas, qu’ils ne sont pas soutenus.
Pour Agnès Baillot, c’est effectivement un paradoxe. Le groupe de travail sur le sujet qu’elle a dirigé en a tiré trois constats.
Premièrement, dans nos organisations très verticalisées, il y a une vraie disruption entre le top management, les managers et les commerciaux. Il y a un vrai manque de lien entre les trois niveaux et il en résulte que les commerciaux ont le sentiment de ne pas être compris, voire d’un désintérêt pour leurs conditions de travail. Cela est vécu souvent comme une vraie solitude.
Deuxième constat : la temporalité différente des ambitions.
Cette appropriation non homogène des stratégies se voit à différentes strates de l’entreprise où un nouveau projet chasse celui de la semaine précédente, offrant ainsi un « millefeuille » d’objectifs souvent indigeste. Le commercial va ainsi être confronté à beaucoup d’injonctions et d’actions qu’il va devoir prioriser lui-même. Il lui revient donc de faire un choix, pas forcément explicité clairement au niveau des top managers.
Troisième constat : les injonctions contradictoires.
Nous le vivons tous : des objectifs à très court terme avec, comme corolaire, une rentabilité à long terme. Nous le vivons également sur du très court terme parce qu’il faut satisfaire les actionnaires et les besoins des clients sur de courts délais. Mais certains sujets, plus stratégiques comme l’énergie, s’inscrivent sur le long terme.
Le groupe de travail a également identifié d’autres injonctions contradictoires, comme l’écart entre l’orientation « custumer centric » qui va être très encouragée et qui ne transparait pas dans les actes quotidiens. Cela impacte bien entendu la recherche de sens que nous avons tous. C’est également le cas concernant les périodes de remontées budgétaires : comment doit-on faire à iso moyen, voire avec moins de moyens alors que les objectifs sont restés identiques ? Cette situation est vécue avec souffrance par les populations en front client, notamment les commerciaux.

Dans un monde compliqué et complexe, comment garder des commerciaux engagés ? Quels savoir-faire peut-on mettre en œuvre ?
Pour Valérie Vidal, avant de garder des commerciaux engagés, encore faut-il les recruter !
On les recrute bien en amont, avec des valeurs. L’entreprise a-t-elle des valeurs ? Sont-elles les mêmes que celles du candidat ? Là est toute la difficulté lors d’un recrutement : comment arrive-t-on à comprendre le candidat et à « matcher » avec des valeurs communes.
Cette notion de valeur est très importante avec la génération qui arrive, très orientée sur la planète, sur la RSE avec ses trois piliers (le sociétal, l’économie, l’environnement). Si l’entreprise n’a pas ces valeurs, c’est plus compliqué de les recruter et de les fidéliser.
Un deuxième sujet : le système de rémunération. Il est logique que les commerciaux aient des objectifs individuels où figure également de la linéarité. Mais passer d’un objectif à 100, puis à 110, à 120, les meilleurs commerciaux finissent par se décourager. L’idée est donc d’avoir une linéarité sur des indicateurs à moyen ou long terme pour pouvoir ancrer le commercial et le garder.
Les commerciaux souhaitent avoir également une part collective pour pouvoir être embarqués et travailler mieux ensemble.
La deuxième chose est la trajectoire de rémunération lissée sur les indicateurs pour fidéliser et engager les personnes.
VV souligne également l’importance de la formation. Il faut développer les compétences. La valeur ajoutée d’un commercial est d’échanger, que ce soit en B to B ou en B to C.

Frédéric Bonneton souligne un dernier point : à la question « quelle est la compétence-clé, le savoir majeur que vous allez devoir développer pour améliorer la relation commerciale ? », les commerciaux ont répondu beaucoup de choses assez classiques comme l’écoute ou plus de solutions, mais un élément manquait : la confiance.

Finalement, le travail d’un commercial est d’aller générer cette confiance à trois niveaux : la confiance dans l’entreprise, la confiance dans la solution proposée et la confiance dans le commercial. La confiance dans l’entreprise et dans le produit est portée par le marketing et internet. Le véritable défi d’un commercial est donc de générer la confiance en sa personne.
Pourtant, le mot confiance n’apparait que très rarement dans l’enquête. Pourquoi ?
Nous vivons dans un monde de suspicion, il est donc difficile pour le commercial de la générer. Autre facteur bloquant, et contrairement à une croyance admise, nous savons aujourd’hui qu’une prise de décision n’est pas rationnelle, le processus est d’abord émotionnel. L’origine latine du mot confiance est d’ailleurs « confidere », avec foi. Il s’agit donc bien de croire quelque chose sans preuve. Finalement l’essentiel est là : la performance commerciale de demain sera donc dans la relation et comme l’acte d’achat est avant tout un acte émotionnel, l’humain a bien sûr sa place de manière fondamentale.

Esprit de service France – Novembre 2023

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies uniquement à des fins statistiques et pour permettre le partage de pages sur les réseaux sociaux.