Notre première News Letter fut l’occasion d’offrir un éclairage particulier sur le label Excellence de Service. Nous avons ainsi donné la parole à deux personnes qui ont joué un rôle très important dans cette aventure : Lucie Ganzin d’Afnor Cerification et Raphael Colas, ancien Secrétaire Général de l’association.
L’entretien mené auprès de Lucie Ganzin est l’occasion de revenir sur la genèse du projet :
ESF : Quelles ont été les motivations d’AFNOR Certification dans le cadre de ce projet avec Esprit de Service France ?
Lucie Ganzin : L’impulsion est venue en 2016 du président et du trésorier d’Esprit de Service France. De par leurs fonctions au sein du groupe La Poste, ils travaillaient déjà avec le Groupe AFNOR.
Quand ils sont venus nous voir, nous avons partagé ensemble le constat que les dispositifs normatifs qui existaient ne répondaient pas aux attentes des organisations déjà engagées dans des démarches d’Excellence de Service basées sur des transformations.
En parallèle, les organisations adhérentes de ESF souhaitaient un dispositif de valorisation de leur engagement dans le domaine de l’expérience client et collaborateur.
Nous avons donc décidé de travailler ensemble. Nous avons l’habitude de développer, d’évaluer et de certifier des dispositifs de reconnaissance. De son côté ESF, avec ses membres adhérents issus de différents secteurs d’activité, offrait un panel et une diversité d’acteurs qui nous a convaincus de travailler avec l’association.
ESF : Comment s’est passée l’élaboration du label avec ESF ?
Lucie Ganzin : Avec Raphael Colas, nous avons travaillé ensemble pour co-concevoir cette démarche et co-développer un outil d’évaluation. Au fil des réunions de travail, Raphael présentait régulièrement nos avancées aux membres d’ESF. Nous avons également rencontré des acteurs pour se renseigner aussi sur l’appétence au niveau des entreprises (LCL, GRDF, Orange …), mais aussi pour leur présenter le projet, notre démarche, à savoir comment nous allions évaluer cette notion de maturité. Nous avons constaté que les entreprises étaient très intéressées par l’idée de mettre en avant cette expérience client et collaborateur.
ESF : À ce niveau-là, est-ce que le Modèle était déjà en tête, en préparation ?
Lucie Ganzin : Oui. Sans être finalisé, il était déjà avancé.
Cette première phase était aussi pour nous un moyen de tester notre manière de travailler ensemble, qu’on s’accorde sur le discours à tenir ensemble, sur quelle histoire raconter …
Cela nous a permis de préempter les grandes lignes de ce label, qui n’était alors pas encore abouti, d’avoir un discours commun et de mieux connaitre également les appétences des entreprises sur le projet.
ESF : Quels ont été les retours ?
Lucie Ganzin : Les retours ont tous été très positifs. Ils nous ont confortés dans la création de ce label et dans l’approche que nous avions de valoriser « une » expérience client
ESF : Concrètement, le principe du label ne repose pas une certification normative …
Lucie Ganzin : Oui, nous ne sommes pas sur une démarche qui consiste à aller vérifier la conformité d’un standard qui pourrait s’appliquer à toutes les entreprises qui intégreraient la notion d’Excellence de Service. L’idée, c’est vraiment d’aller vérifier la maturité de l’entreprise en termes d’expérience client et d’expérience collaborateur.
ESF : Justement, en quoi cette démarche est-elle différenciante par rapport aux autres ?
Lucie Ganzin : C’est la notion de regards croisés qui fait clairement la différence. D’un côté, notre évaluateur analyse la mise en place et la maturité des pratiques sur les composantes de l’excellence de service et d’un autre côté, les clients qui ont vécu l’expérience client du futur labelisé sont interrogés sur leur perception.
Cette combinaison est vraiment différenciante, non seulement dans l’approche habituelle d’AFNOR Certification, mais également il me semble, dans ce que l’on peut trouver dans le secteur de l’évaluation et de la certification.
Enfin, autre point différentiant : l’enquête de perception client est personnalisée à chaque fois. Elle est directement liée à l’expérience que l’entreprise désire valoriser et donc, à sa stratégie d’entreprise et la promesse de service qu’elle fait à ses propres clients.
ESF : Comment appréhendez-vous ce double regard ?
Lucie Ganzin : Le regard client nous permet de nous conforter sur la décision que nous allons prendre concernant la labellisation. Le « scoring » obtenu par l’entreprise via l’évaluateur représente un pourcentage d’atteinte des pratiques autour de l’Excellence de Service.
En termes de perception client, le client est invité à donner son avis via une notation en étoile allant de 1 à 5. Il faut que l’entreprise ait à minima 3 étoiles et à minima 50% sur le scoring auditeur concernant l’évaluation sur site pour être labelisée.
Donc, il s’agit d’évaluer à la fois les stratégies de transformation avec la mise en place de dispositifs et le recueil de la perception client de ces mêmes dispositifs.
Sous l’impulsion des nouvelles équipes d’Esprit de Service France et d’AFNOR Certification, nous ouvrons une nouvelle page depuis un an pour la promotion et le déploiement du Label : célébration du premier label remis à BlueLink lors de l’Evénement Esprit de Service du 6 décembre 2019, création d’un motion design pour expliquer la démarche, et à venir, un webinaire le 15 janvier 2021. Parce que la crise de 2020 met encore plus l’accent sur l’attention à l’autre, nous sommes tous convaincus que les entreprises sauront trouver avec le label un renouveau et une reconnaissance de leur démarche vers l’excellence de service.
Après un retour sur la genèse du projet et ses enjeux de départ, l’entretien mené auprès de Raphaêl Colas fut une occasion de dresser l’actualité du Label en cette fin d’année 2020.
ESF : Nous sommes en décembre 2020, dernier mois d’une année riche en évènements. Quelle fut l’actualité du Label pendant cette période ?
Raphaël Colas : Après Bluelink, qui a été la première entreprise labelisée en décembre 2019 pour son activité pour son activité Platinum Service Line Europe d’Air France-KLM, c’est Veolia Eau Ile-de-France qui s’est vu décerner cette labelisation pour son activité Grand Compte en avril 2020.
Nous avons eu par la suite plusieurs rendez-vous avec différentes entreprises, mais qui ne se sont pas concrétisés pour l’instant. L’activité a bien entendu était stoppée avec la pandémie.
ESF : Justement, cette crise a bousculé pas mal de choses. Le Label va-t-il évoluer, notamment dans son fondement même, qui repose sur l’Excellence de Service ?
Raphaël Colas : Le Label repose effectivement sur la transformation des entreprises par l’Excellence de service. Les enquêtes menées visent avant tout à analyser la perception par les clients des valeurs et des signatures de service mises en place par l’organisation.
Le Label Excellence de Service s’appuie avant tout sur le Modèle Esprit de Service. Et beaucoup de notions qui font partie du Modèle ont été convoquées par les exigences imposées par la crise. La notion même d’écoute des attentes clients et d’adaptation des offres et de la relation client, au cœur du modèle Esprit de Service a été l’une des clés de la différenciation des organisations pendant la crise. Il a fallu que les entreprises fassent preuve d’un comportement agile, très rapidement, non seulement pour s’occuper de leurs collaborateurs, mais aussi pour adapter de nouvelles offres et de nouveaux modèles relationnels. Par exemple, la mise en place d’une organisation en télé travail très rapide pour les fronts a été essentielle.
Cette notion d’agilité fait partie intégrante du modèle et son importance a été mise en exergue par la crise.
De même, la notion de soin, de Care apportée aux collaborateurs et donc aux clients. On peut constater d’ailleurs que les entreprises qui ont le mieux géré la situation sont celles qui ont eu tout de suite un discours porté sur le soin, l’attention apportée au client : « est-ce que vous vous portez bien ? », « est-ce que vous allez bien ? » On est heureux de vous revoir », « on pense à vous » etc. Cette notion a été capitale ; elle a renforcé la confiance envers les entreprises.
ESF : La vision qui est portée par le Label est donc d’autant plus d’actualité aujourd’hui avec l’expérience de la Covid ?
Raphaël Colas : Je suis tout à fait d’accord avec cette lecture. Par exemple, concrètement, le Label amène à définir ou redéfinir les parcours client. Et qu’avons-nous fait pendant la crise ? On a redésigné les parcours client tout de suite, on les a rendus digitaux, on a fait en sorte que l’accueil dans les lieux physiques intègre effectivement les gestes barrières, on a modifié les procédures…On voit bien que l’Excellence de Service, c’est ça : il a fallut faire preuve d’agilité pour modifier ces parcours et répondre aux attentes des clients. Mais il a fallu aussi faire preuve de pro-activité dans beaucoup de cas. Aller vers le client pour lui faciliter la vie pendant le confinement en suspendant certains tarifs, en élargissant les bénéfices des offres etc, et tout cela sans que le client ne demande quoi que ce soit.
ESF : Donc les entreprises qui avaient mis en place un management par le care ont eu plus de facilité à affronter la crise ?
Raphaël Colas : Beaucoup d’entreprises ont compris de manière concrète ce que voulait dire le management par le care avec cette situation inédite. Il a fallu prendre soin des collaborateurs pour que l’entreprise continue de vivre, c’est apparu comme une évidence vitale d’un coup, bien loin d’un concept de sociologie des organisations. La différence s’est faite sur le temps « mis pour ». On pend soin de nos équipes et quasiment en même temps, du client.
De même, dans la notion de soin et d’attention : ce qui a été particulièrement perçu par les consommateurs, ce sont les actions de solidarité des entreprises : Décathlon qui donne ses masques de plongée pour en faire des respirateurs, Vuitton, la Poste etc. Des choses extraordinaires ! Ce sont là des éléments qui créent du lien à la marque. Nous avons vu ça de manière très forte.
Donc l’Esprit de Service n’a pas été réinventé par la Covid, mais les composantes de l’Esprit de service ont pu guider les entreprises pour être plus rapidement en réponse aux attentes des clients dans cette situation. Et les entreprises qui auraient pris connaissance du Modèle auraient gagné du temps !
ESF : Est-ce qu’on peut dire que la situation a accéléré la mise en place concrète de concepts et d’approches que l’on connaissait déjà ?
Raphaël Colas : En fait, cela a fait gagner des mois, voir des années en termes de changements et de lancements de projet. La situation a amené la nécessité d’appliquer les principes de l’Esprit de Service.
Bien sûr, après les mesures d’urgence, le temps redonne sa mesure au chemin vers l’excellence de Service…. Par exemple, installer des ChatBots, oui. Mais il faut du temps, des moyens humains et financiers. Il y a une différence entre répondre à un besoin rapide et conjoncturel et installer des dispositifs durables.
C’est peut-être là la seconde phase : pendant de la crise, nous avons vu effectivement l’émergence des principes de l’Esprit de Service comme condition de fonctionnement en situation de crise. Et maintenant, que peut-on installer durablement ? Est-ce que l’attention client s’est installée durablement ?
Cependant, certaines approches resteront vraisemblablement durablement. Par exemple, la vision que nous avons de l’entreprise comme lieu physique, avec des murs ! Cette vision de « l’entreprise usine » a été balayée par le déploiement à très large échelle du télétravail pendant les confinements. Pas seulement d’ailleurs, car l’avènement du digital avait annoncé cela, mais la crise a définitivement ancré cette idée. Et cette idée là est en train de mûrir et de designer à la fois l’avenir des organisations et sans aucun doute de nouvelles approches de l’Excellence de Service…
Esprit de Service France – Janvier 2021
Pour en savoir plus sur le label Excellence de Service : https://espritdeservicefrance.fr/le-label/