Le 30 juin dernier, l’Association Esprit de Service France était conviée à participer au 41e Congrès HR, dans le cadre d’une session particulièrement d’actualité : « le Management Hybride Post-Covid – comment accompagner les managers dans la coordination et le pilotage des équipes à distance et sur site, comment faire des managers les garants des collectifs de travail, quels en sont les rites managériaux ? »
La rencontre s’est déroulée en trois temps, avec en premier lieu l’intervention de Jérôme Friteau, Directeur des relations Humaines et de la transformation, CNAV animée par Charles Henri Besseyre des Horts. Le thème abordé : « Réussir la transition entre des managers en supervision de l’activité à des managers garants de l’hybridation de l’activité et animateurs de leur collectif ».
Jérome Friteau s’est exprimé notamment sur les impacts des évolutions techniques et de la digitalisation, dont les répercutions ont été particulièrement marquées pendant cette période de crise.
Cet état de fait a transformé définitivement notre approche en termes d’organisation du travail. Désormais, la CNAV accorde 2 jours de TAD (Travail à Distance) par semaine – soit 85 jours par an – + 1 jour pour les personnes fragiles –inscrivant ainsi ces changements, comme nombre d’organisations, dans la durée.
Jérome Friteau évoque également l’écart qui s’est considérablement creusé entre le travail prescrit (le processus, la norme …), généré par des codes et le travail réel, générateur de sens.
Alors que c’est ce sens même, le « liant social », qui, associé à la confiance – mot clé de l’intervention – a permis aux salariés, aux organisations et aux hommes de tenir dans ces conditions si particulières.
Plus précisément, cette période a mis en exergue de nouveaux défis managériaux.
Par exemple, le manager doit s’adapter à un nouveau paradigme concernant la détention de l’information et sa communication. Durant cette crise, les Directions générales se sont massivement adressées aux salariés en direct, via les webinaires et autres moyens de communication distanciels. Le manager s’est retrouvé en quelque sorte démis de sa fonction originelle de transmission de l’information.
La gestion managériale d’une équipe en distanciel, désormais en place, implique bien d’autres évolutions : redéfinition des priorités ; redéfinition du sens, du pourquoi ; redéfinition du périmètre de délégation ; une disposition aujourd’hui nécessaire à « communiquer dans l’incertitude ».
Il s’avère également nécessaire d’adapter notre approche en termes d’évolution des compétences : avec la crise, les objectifs fixés ont volé en éclat et l’entretien annuel sacralisé paraît désormais bien inadapté par rapport à cette nouvelle organisation du travail qui s’instaure !
Et de conclure : cette nouvelle organisation qui s’instaure n’est pas sans engendrer de nouvelles problématiques très concrètes qu’il convient de résoudre : comment faire co-exister vie personnelle et vie professionnelle ? Comment définir un cadre viable du travail à domicile ? Et dès lors, comment faire évoluer les critères de recrutements ?…
Dans un deuxième temps, cette rencontre était également l’occasion de revenir sur le rapport d’étude « Voyage au cœur du management » publié par l’Association en février dernier – présentation réalisée par Aline Scouarnec – Professeur des Université à l’IAE Caen Normandie et experte en prospective du travail, et Nandini Colin, Directrice académique ESCP & Déléguée pour l’international Esprit de Service France, respectivement auteure et contributrice du rapport – ainsi que Maryse Juranville Présidente Esprit de Service France.
Dans ses grandes lignes, le rapport souligne les comportements et attitudes attendues vis à vis du nouveau manager : plus d’écoute, de confiance et d’attention à l’autre. Il en présente également les nouveaux enjeux : la transition numérique, la conscience environnementale, le rapport au travail revisité, le renouveau relationnel.
Il apparaît enfin impératif de « réinventer nos business models » et de penser une « nouvelle organisation du travail ».
Tout cela implique de réinventer nos programmes de formation (en coordination avec les écoles), réinventer nos pratiques RH, nos politiques managériales et plus largement, les visions des Directions générales.
Dès lors, quel avenir pour le management ? La fonction fait-elle toujours rêver ?
Une vision de demain qui offre trois « mondes » possibles, chacun dessinant trois scénarios plausibles d’un manager futur :
– Le monde souhaité, qui pourrait donner lieu :
o Au scénario de manager inspirant
o Au scénario du manager développeur
o Au scénario du manager co.
– Le monde augmenté, qui pourrait donner lieu :
o Au scénario du E- manager
o Au scénario du manageur-écosystème
o Au scénario du no-manager
– Le monde redouté, qui pourrait donner lieu :
o Au scénario du manager fantôme
o Au scénario du manager SQP – « sauve qui peut »
o Au scénario du culte du chef
(Le rapport d’étude est en accès et téléchargement libre sur notre site, page « Le Lab’ »).
Ces prospectives établies ont d’ailleurs été corroborées par les deux baromètres ESF, effectuées en septembre 2020 et juin 2021. Ces consultations en ligne avaient pour objectif de mesurer les impacts de la crise sanitaire sur les services en croisant les perceptions personnelles et professionnelles.
Les résultats de ces deux consultations ont donc fait l’objet d’une présentation, faisant ressortir plusieurs tendances sur les comportements managériaux à privilégier.
Ainsi, nous pouvons remarquer que les attentes concernant les attitudes attendues du manager sont encore plus marquées en 2021 qu’en 2020. Même remarque concernant les attentes en termes de nouvelle organisation du travail. Le travail de réflexion et transformation reste donc à faire.
Plus logiquement, les attentes concernant le management de tension, le « plus rapide et plus agile », la santé ou l’équilibre vie professionnelle et personnelle sont en régression cette année. Le support de présentation de cette partie est consultable et téléchargeable en fin d’article.
Le troisième temps de la session était consacré à l’échange et la réflexion en comités restreints, conduits par les intervenants et membres Esprit de Service France :
– Thibaud Brière, Philosophe d’entreprise, ancien délégué à la philosophie de l’organisation du groupe Hervé.
– Sandra Fitussi, Directrice Transformation RH & Coordination, BPCE
– Agnès Balliot, Secrétaire Générale Esprit de Service France, Direction relation Clientèle et membre du codir GRDF
– Jérôme Friteau, Direction des Relation Humaines de la transformation CNAV
– Florence Desert, Directrice de l’exploitation et de l’expérience visiteur Société d’Exploitation de la Tour Eiffel SETE.
Un certain nombre de dirigeants RH de diverses entreprises – notamment NUMA, Paris La Défense – Nathalie Mottez, Faurecia – Gael Barjot, mais également Total, Manutan et bien d’autres, ont pu ainsi réagir avec leur propre vécu et leur vision concrète de terrain pour souvent corroborer les approches précédemment exposées.
Ainsi, relève Florence Desert, la promotion managériale est souvent une affaire d’évolution, offerte plus par « récompense » que par reconnaissance des capacités managériales. Est-ce le bon positionnement en termes de recrutement ?
On note d’autre part une difficulté croissante : le manager est amené à manager de plus en plus souvent de « moi je ». Comment « faire du collectif » dans ces conditions ?
Autre réaction à chaud : l’étude donne l’impression d’un manager comparable à un « mouton à cinq pattes », aux compétences multiples et variées … Est-ce bien raisonnable ?
D’une manière générale, on observe que la crise a révélé le vrai visage du manager – pour le meilleur comme pour le pire.
On constate enfin que les enseignements tirés de la crise sanitaire ne se sont pas encore traduits en termes d’orientations managériales fortes.
Nous vous invitons à lire à ce propos l’article rédigé par Thibaud Brière, dans notre rubrique « Retours d’expérience »
Esprit de service France – juillet 2021