Le 10 juin 2022 s’est tenue la 17e convention Esprit de Service France : « Vers une nouvelle relation commerciale ». Pour ce troisième Plateau, nous avons eu le plaisir de donner la parole à Serge Louradour, Directeur associé de Netexplo, pour son intervention « Les nouvelles tendances numériques et serviciels ».
Netexplo est un observatoire dont la fonction est la captation internationale d’innovations opérées sur tous les continents, quel que soit le secteur, mais qui partagent une « même vision humaniste de la technologie » (partenariat avec l’UNSCO depuis 2011). Chaque année, Netexplo sectionne une centaine d’innovations, dégageant ainsi les grandes tendances de la période.
Ainsi, en 2022, la pandémie a créé de nouvelles habitudes professionnelles, comme le télétravail. Mais les nouvelles habitudes vont de pairs avec de nouvelles problématiques, auxquelles la technologie peut aussi apporter des réponses.
C’est l’exemple de l’application TL-DV (TOO LONG, DID’NT WIEV) qui propose un résumé des réunions en ligne (parfois trop longues et peu efficaces) ; une application Screen Fighting ou un écran – dit intelligent – est capable d’analyser les trais d’un visage, reconnaitre les signes de stress et d’émotion – et de s’adapter en fonction (changer la température de couleur ou diffuser de la musique par exemple). Innovations, même si tout cela ne va pas sans augmenter notre temps d’écran…
Face à ce « trop plein technologique » brassé pendant cette période pandémique, on voit aujourd’hui des applications qui tentent au contraire, de remettre de l’humain. Katch, par exemple est une technologie qui tente de remettre un peu de spontanéité dans la gestion des agendas imposés par les plateformes type TEAMS en offrant la possibilité d’une durée de rendez-vous autres que 30, 60 ou 90 minutes imposées.
L’autonomie est également une notion retrouvée, réhabilitée par la pandémie. Mais cela pose la question de l’intention : qu’allons-nous faire de cette autonomie ? L’intention est au niveau personnel ce que la « raison d’être » est aux entreprises. Celle-ci marque en effet la direction désirée, l’objectif à atteindre. Mais entre celle-ci et les faits, il y a bien souvent un écart …
Ainsi, AI GHG est une application capable de mesurer toutes les implications carbones d’une entreprise et ce, au-delà de son déclaratif. Ici, la technologie permet de vérifier si les intentions affichées sont cohérentes avec les actions menées… Et s’il reste des actions concrètes à mener, la start up Plan A propose un logiciel spécifique qui se charge d’entrer dans tous les services d’une entreprise afin de vérifier les actions de chaque personne pour en mesurer le bilan carbone et apporter des solutions adéquates si besoin.
Super Sema au Kenya est un programme mi-physique permettant de mener des expériences chez soi et mi-metaverse où l’on est plongé dans un roman 3D. Nous sommes dans le people soft créators, autrement dit, on met le sens au le début. En agissant de même, certaines entreprises constateraient certainement une diminution marquée de cet écart intention / réalité concrète.
Autre innovation : Cortical Lab. L’intention est ici étudiée en laboratoire via une surprenante machine permettant de cultiver les neurones humains en laboratoire – autre innovation. Ces neurones, qui n’ont absolument pas conscience d’être, sont capables de jouer au jeu vidéo Ponge : ils développent une intention et se projettent dans le jeu ! C’est également le cas des Worm de Californie, étudier par le laboratoire Plub. Simple nourriture d’aquarium, ensemble, ceux-ci sont capables de développer une grande intelligence collective leur permettant des actions telles que chercher de la nourriture, fuir un danger etc. C’est la thématique fascinante de « l’intelligence sans cerveau ».
Autre invention qui place l’intention au centre de son dispositif : la voiture autonome développée par AVTR qui se conduit sans commande, uniquement par la pensée. La conduite nécessitant de l’anticipation, la voiture est donc capable d’anticiper nos intentions !
Mais qu’en est-il de l’intention dans les mondes immersifs du Meta-verse et du Web 3 ? La promesse du Web 3 est de pouvoir monétiser tous types de contenus, sans les intermédiaires que sont les GAFAM avec des outils comme les cryto-monnaie, les blockchains, les NFT ; bref, une utopie de l’affranchissement – à grandement nuancer cependant, puisque ce sont les mêmes investisseurs « aux manettes » !
Comment monétiser sur ces mondes-là ? Plusieurs modèles :
AXIE INFINITY est un jeu développé au Vietnam qui fut grandement usité aux Philippines pendant le premier confinement. La population gagnait plus en jouant à ce jeu pendant cette période que leurs salaires en temps normales ! De nouveaux modèles émergent…avec des conséquences sociétales énormes.
Avec NEW-NEW – Contrôle My Life, le principe est de mettre sa vie personnelle en monétisation totale. Quelle action dois-je faire par rapport à telle situation ? La communauté vote, j’agis en fonction et je suis rémunéré pour cela. Un modèle qui pulvérise les limites éthiques et de tabous personnels…
L’idée même de Meta-verse pulvérise les règles éthiques et sociales. Nous sommes ici dans un univers qui a soit ses propres règles du jeu, soit n’en a plus du tout !
D’autant plus que la technicité n’est plus un frein. Plus besoin de savoir coder : FLUTTERFLOW est une plateforme qui permet de créer très facilement une application, permettant ainsi de créer son propre service, sa propre façon de commercer.
Autre innovation sur le sujet : VARJO est un casque qui permet de créer son propre Méta verse ; il est capable de scanner une pièce, de la reconstituer en 3D, en laissant la possibilité d’y convier une personne de son choix.
Le Meta Verse est donc à portée de main, sans intermédiaire.
Il en est de même pour les avatars qui permettent de représenter les personnes, sous quelques formes que ce soit, mais également un large choix d’items : un service, une entreprise, une fonction…Se pose alors le problème de l’identité. BRAINWAVE ATTRACTION se propose lui de déduire de nos ondes cérébrales les caractéristiques d’une population « avec qui vous vous sentez bien », sans aucun rejet … Plus d’altérité dans ce monde-là !
Dans cette même logique, DRESS X est une innovation qui crée une ligne de mode en 3D et habille ces avatars, avec l’argument suivant : « un vêtement créé en 3D n’a jamais été fabriqué, aucun bilan carbone ni de pollution, n’a jamais été transporté, ne s’use jamais – donc jamais remplacé – et c’est un NFT, à savoir non interchangeable et dont on est propriétaire, donc monétisable pouvant assurer un revenu dans la durée ».
Allons plus loin : quelle est la vie de ces avatars quand on quitte ou qu’on s’absente soi-même de ce Méta verse ? La question se pose : le Méta Verse est permanent. L’avatar peut très bien continuer à vivre sa vie ; mais avec quel degré d’autonomie ? D’où l’idée d’un SOULBOT, à savoir une sorte de conscience déléguée que nous pourrions définir en notre absence. En effet, la question des limites se pose – les premiers « dérapages » constatés, viols et autres, le prouvent, d’autant plus que les seules règles éthiques existantes aujourd’hui sont fixées par les firmes elles-mêmes…
L’interface entre nous et notre avatar ne se limite plus désormais au simple casque. Ainsi OWO a créé une tenue haptique pouvant jusqu’à trente sensations sur le corps. Et de découvrir ainsi tout un type de sensation que nous ne pourrions pas connaitre dans le monde réel …Certains en soulignent déjà le coté addictif probable.
Autre possibilité que l’immersion dans un monde virtuel, le Méta Verse réinvente par exemple l’hologramme en présentant un objet dans le monde réel dans toute sa vérité visuelle. AEROHAPTICS en reconstitue même le sens du touché en pulsant de micros pulsations d’air.
D’autre part et bien entendu, le Méta Verse n’échappera pas bien entendu à la captation des datas – le dataverse. Celle-ci s’avérera même beaucoup plus puissante, à la fois comportementale et physiologique.
Une start-up française, TERNOA se propose de protéger ces données, en les regroupant pour les adresser à la bonne personne, au bon moment, en cas de problème.
En termes de rémunération en ligne de ces données, GENER8 redonne le choix : sur ce navigateur, en mode « privacy », les données restent privées ; en mode « rewards », les données sont monétisées mais l’utilisateur touche l’intégralité de cette monétisation.
Mais quelles sont les utilisations constructives pour ces nouvelles technologies ?
L’intelligence artificielle est devenue aujourd’hui un « compagnon de travail ». Quelques exemples concrets :
L’application SUDOWRITE reprend la même idée qu’Instagram appliqué à l’écriture : on applique un filtre stylistique sur un texte écrit, pour une réécriture plus concise, plus longue, plus historique, plus commerciale etc. Résultats impressionnants.
L’AI se révèle également utile face aux enjeux de notre époque. MAPBIOMAS par exemple a permis de constater de façon très concrète le tarissement des sources d’eau naturelle au Brézil.
GAME OF TRAWLS a créé un filet de pêche capable de relâcher les poissons en voie d’extinction ou ne répondant pas aux critères de pêche.
Sur une autre approche, AQUAVERSE, startup française, commercialise des personnages en mode NFT et lève ainsi des fonds pour développer la culture de l’éponge de mer pour son grand pouvoir filtrant et dont les premiers essais concrets sont un succès.
SINGLE.EARTH se propose, quant à eux, de rémunéré les propriétaires de forêt si ceux-ci la laissent intacte. Plus l’impact est positif, plus le propriétaire est rémunéré. Le modèle traditionnel est ainsi complètement renversé !
Sur un autre sujet, une startup indienne – DRIFE INDIA – créer, en s’appuyant sur les NFT, les blockchain, les crypto, un service UBER sans plateforme. Le chauffeur gagne 100% de sa course et le passager bénéficie d’un prix directement négocier par la blockchain, donc totalement transparent.
Et de conclure sur une innovation étonnante : UCHUU regroupe un collectif mondial de chercheurs qui a créé un jumeau numérique du cosmos représentant à ce jour 1/5e de l’univers visible, soit un cube de 65 milliards d’années lumières de côté tout de même (!) dans lequel on peut déambuler, voir remonter le temps jusqu’à l’après big-bang …
Esprit de Service France – janvier 2023