DIRECTEUR DE LA STRATÉGIE ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL AU SEIN DE LA DRH DU GROUPE BPCE
par Stéphane Demarquette, Human Activist chez QuantStreams
Le 29 juin 2017
Stéphane Demarquette
Hervé d’Harcourt, vous avez mené une carrière de DRH dans des institutions financières et bancaires telles que HSBC, Natixis et aujourd’hui le groupe BPCE. La fonction Ressources humaines est belle mais complexe. Après avoir été considérée comme garante de la relation de subordination entre l’entreprise et ses employés, elle a endossé un rôle de « business partner ». Aujourd’hui, comment la percevez-vous, et quelles évolutions la traversent ?
Hervé d’Harcourt
Les Ressources humaines se transformeront encore davantage durant les cinq prochaines années qu’elles ne l’ont fait ces deux dernières décennies. Il y a vingt ans, pour être un bon DRH, il fallait disposer de process et d’outils efficaces. Aujourd’hui, il est attendu de cette fonction qu’elle s’inscrive dans une logique de service et de client vis-à-vis des collaborateurs. Pourtant, rares sont les équipes RH qui ont véritablement mis en œuvre ce changement.
Dans le même temps s’imposera de surcroît la notion d’expérience collaborateur.
Stéphane Demarquette
Ces évolutions impliquent donc un basculement de la posture des Ressources humaines.
Hervé d’Harcourt
C’est en effet un enjeu clé. Or les équipes RH ne sont pas les plus simples à faire évoluer. Elles sont inscrites dans des process et garantes d’un certain nombre de données. Modifier ces processus équivaut à remettre en cause leur champ d’intervention.
Stéphane Demarquette
La notion d’expérience collaborateur institue le salarié en tant que « consommateur » de l’entreprise ou du travail. Quels sont les bénéfices de ce changement de perspective ? Cela n’entre-t-il pas en décalage avec le contrat social de l’entreprise, qui concilie adaptabilité et protection ?
Hervé d’Harcourt
Nous en sommes aux prémices de la logique d’expérience collaborateur. Déjà, certaines de nos initiatives en relèvent, comme la signature électronique du contrat de travail. Les nouvelles recrues y voient un élément différenciant. Il en est de même lorsque nous appliquons à nos processus RH, pour les modifier, les outils que nous employons habituellement avec nos clients. Ces actions doivent se démultiplier pour faire de l’expérience collaborateur un objectif à part entière, quitte, pourquoi pas, à lui dédier une direction.
Quant au contrat social, il repose sur deux piliers. Le premier est celui des attentes des collaborateurs. Elles ont fortement changé, et nous devons en tenir compte. Les salariés ne définissent plus leur relation à l’entreprise par le lien de subordination. Ils la rejoignent pour y vivre une expérience enrichissante, qui ne sera pas nécessairement durable. Ils désirent en outre participer aux transformations en cours. Ainsi, notre dernière enquête de climat social montre que 88 % des collaborateurs comprennent la nécessité de changer. Ils veulent être intégrés à ce processus.
Second pilier, l’entreprise est responsable de l’employabilité de ses collaborateurs, en interne comme en externe. Nous devons préparer nos salariés à exercer d’autres activités, dans un monde en pleine mutation.
Stéphane Demarquette
Après le règne des process, n’y a-t-il pas un risque que les RH se focalisent sur les données, avec l’écueil que serait une moyennisation de collaborateurs pourtant uniques et divers ? Comment percevez-vous l’évolution du rôle des RH au regard de la collecte et de l’exploitation des données ? Comment préserver une connaissance fine et humaine des salariés, avec toutes leurs spécificités ?
Hervé d’Harcourt
Nous avons une étape à franchir à cet égard. Je suis persuadé que nous devons utiliser la donnée autrement, dans une optique de self care. Reconnaissons que souvent, les entretiens RH consistent à poser pour la énième fois les mêmes questions à un collaborateur, en omettant d’en garder la trace. Mieux vaudrait lui laisser le soin de renseigner les informations qui le concernent. Qui est mieux placé que lui pour exprimer noir sur blanc ses compétences et ses souhaits ? Ces données pourront ensuite être agrégées et croisées, et les Ressources humaines pourront se concentrer sur des sujets à plus forte valeur ajoutée, en construisant des solutions pertinentes au regard des attentes des individus et des besoins de l’entreprise.
Stéphane Demarquette
De par son histoire, le groupe BPCE a le principe de coopération ancré dans son ADN. Comment concilier cette dimension coopérative avec la révolution digitale, qui bouleverse les organisations et la relation à l’humain ?
Hervé d’Harcourt
Le monde coopératif ne se raconte pas mais se vit. La dimension coopérative est très forte. Elle se caractérise par un ancrage local extrêmement marqué, ainsi que par des valeurs qui ont une traduction concrète. Ce n’est pas un hasard, par exemple, si un certain nombre d’entités du Groupe détiennent le label Mixité, ou si la Caisse d’Epargne et la Banque Populaire affichent une proportion de travailleurs handicapés particulièrement élevée.
Stéphane Demarquette
L’on perçoit parfois une pointe de fatalisme, voire de cynisme, dans les communautés RH. Croyez-vous en une entreprise plus hospitalière et plus humaine ?
Hervé d’Harcourt
J’y crois profondément. Je suis convaincu que les valeurs d’humanité ne sont en rien opposées à la performance. Plus nos entreprises seront hospitalières, humaines et bienveillantes en interne comme en externe, plus elles seront performantes.