Esprit de Service France a besoin de toutes les compétences, de toutes les énergies et de toutes les expériences.
Nous donnons la parole ce mois-ci à Brigitte et Catherine Pinard de l’entreprise viticole « Champagne Pierre Pinard », basée à Sézanne en Champagne et jeune adhérente à Esprit de Service France. Catherine et Brigitte Pinard, représentantes des deux générations à la tête de cette TPE familiale, nous parlent des raisons et des motivations de cet engagement. Entre production viticole, terroir, communication, couteaux suisses et artisanat, une parole riche et inspirante …
Esprit de Service France : Présentez-nous votre activité, votre entreprise, son histoire …
Brigitte Pinard : Nous sommes une Société Civile d’Exploitation Agricole et Viticole, une entreprise indépendante de Champagne.
Nous travaillons la culture de la vigne, nous élaborons nos vins et nous commercialisons notre production.
Nous sommes aussi agriculteurs. Nous produisons de la grande culture, ainsi que de la betterave sucrière, du blé, de l’orge…
C’est une entreprise familiale, de père en fils, et plus précisément concernant cette génération, de père en fille.
L’histoire familiale remonte à 1510. Nous étions déjà à Sézanne cette époque, à travailler la vigne ! C’est vraiment un savoir-faire qui se transmet de génération en génération.
Aujourd’hui, nous sommes quatre à la direction : il y a mon frère Olivier, moi-même et nos deux cousines, Catherine et sa sœur Hélène qui nous ont rejoints le 1er janvier dernier. Nous avons également six collaborateurs.
Nous travaillons 15 hectares de vignes. Mais cela représente peu de bouteilles : nous avons un pressoir agréé qualitatif avec lequel nous faisons du pressurage en période de vendanges pour un négociant. Ce type de fonctionnement viticulteur / négociant est très répandu dans la région. C’est un écosystème vertueux : nous avons besoin les uns des autres. Cependant, nous vinifions et commercialisons à peine 20% de notre production. Il y a donc un potentiel énorme de développement, avec de belles perspectives de croissances. Dans ce contexte, l’arrivée de Catherine et Hélène, d’une génération différente (Ndlr : Hélène et Catherine ont respectivement 25 et 27 ans) est une belle opportunité !
Catherine Pinard : C’est effectivement une génération différente ; donc une vision des choses parfois différente, mais très complémentaire finalement ! Brigitte et Olivier ont une solide expérience de terrain.
B.P. : La vigne est une culture qui se travaille manuellement. Malgré tout, on ne veut pas se priver de toute la technologie disponible. Concernant l’écologie par exemple : nous subissons le réchauffement climatique, à nous de nous adapter, à nous de garder notre « traditionnalité » tout en utilisant les moyens technologiques et modernes qui sont à notre portée. C’est parfois difficile, car nous sommes un peu éloignés de toutes les formations possibles, mais nous avons un Syndicat Général des Vignerons très actif.
Catherine Pinard : J’ai fait une école d’ingénieur en agriculture agro-alimentaire sur Toulouse. Pendant cette formation qui a duré 5 ans, on a été amené à avoir des expériences à l’international. On est ingénieur généraliste, c’est donc vraiment très global : élevage bovin, agriculture, en passant par le marketing, commerce, gestion d’entreprise, comptabilité… C’est vrai qu’on est un peu coupé dans nos compagnes, Sézanne a une population d’un peu moins de 5000 habitants. C’est donc très important de s’ouvrir à l’international, je pense.
ESF : Qu’est-ce qui vous a décidé à devenir adhérent à ESF ?
B.P. : Nous avons connu l’association par Agnès Baillot, qui nous a dit « nous avons aussi besoin d’entreprises comme la vôtre ». C’est vrai qu’il y a beaucoup de grandes entreprises au sein de l’association, mais la France n’est pas constituée uniquement de ces grandes organisations ! Il n’y a pas que ces entreprises-là qui font la réussite de la France et son image au niveau mondial ; spécialement pour nous, petite entreprise de champagne, un produit connu mondialement…
Je me suis vite rendu compte que nous avions des valeurs communes. Par exemple au niveau de l’excellence de service : nous avons toujours recherché, vis-à-vis de nos clients et de nos collaborateurs une qualité du produit et du service qui soit au meilleur niveau. On sait très bien qu’une équipe de collaborateurs qui va être bien intégrée, comprise et écoutée sera heureuse de venir travailler au sein de son entreprise et sera plus compétente et productive. De même qu’un client satisfait par le service qu’on lui apporte : quand on lui explique d’où vient le produit et comment il a été élaboré, c’est un client satisfait, fidèle et qui va devenir un super prescripteur. Nous sommes une toute petite entreprise, mais nous partageons les mêmes soucis et les mêmes interrogations que les plus grandes !
D’ailleurs, le premier employeur de France reste la TPE ! Donc, nous avons accepté cette invitation, parce que j’ai pensé que nous avions toute notre place aussi.
ESF : Qu’est-ce que vous évoque le mot France d’Esprit de Service France ?
B.P. : J’y mets notre métier, avec toutes les richesses françaises qu’on peut proposer.
J’y mets également le savoir-faire et le savoir être. Le savoir être, c’est ce que propose ESF : on est dans le service, la qualité de l’accueil… Chercher à satisfaire un client, qu’il soit français ou étranger, c’est cela qui va faire rayonner la qualité de l’excellence française.
Le service à la française, c’est l’accueil, le sourire, la disponibilité, l’amabilité, cette capacité à s’adapter aussi … Je trouve qu’on a en France une excellente réactivité. On a des talents qu’on ne met pas assez en valeur, qu’on ne présente pas, qu’on n’utilise pas assez auprès de notre clientèle étrangère. Notamment en termes de communication …
ESF : Quels sont les sujets que vous voudriez voir porter par l’association ?
B.P. : Justement, la communication ! Comment mieux communiquer sur le savoir-faire à la française ? Cela peut être des choses générales : toutes les richesses qu’apporte le territoire français. On a la mer, on a la montagne, on a des talents particuliers … Les touristes étrangers comme les français ont aujourd’hui ce regain vers plus d’authenticité, plus de vérité, dans le rapport à l’autre, dans le service qu’ils vont aller chercher auprès des entreprises et dans les produits qu’ils consomment. Je pense donc que c’est important d’avoir les bons outils pour bien communiquer et bien mettre en valeur ce savoir être et ce savoir-faire. Sachons nous mettre en valeur, n’ayons pas peur de faire rayonner la France et de mettre en avant toutes nos qualités !
C.P. : Je rejoins Brigitte. Si je caricature, je dirais que nous, gens du terroir, nous ne sommes pas très doué pour le mettre en valeur et communiquer. Parler de ces valeurs est possible et même nécessaire.
Si le monde agricole n’a pas forcement bonne presse aux yeux du public, c’est souvent par méconnaissance. Il faut que le monde agricole s’empare des moyens de communication actuels.
B.P. : Un autre thème : on parle beaucoup de cyber-attaque sur les grands groupes, mais on s’aperçoit aujourd’hui que les TPE sont également ciblées. Nous en avons d’ailleurs fait les frais en début d’année ! Comment protéger nos données, comment les grandes entreprises vivent ça, comment s’en prémunir et comment solutionner derrière. Ce serait un thème intéressant à aborder de manière générale dans l’esprit de co-construction que j’apprécie beaucoup dans l’association, à travers tous ces témoignages et ces expériences qui viennent enrichir le débat…
ESF : Qu’est-ce que l’association peut vous apporter à vous, à votre entreprise ?
B.P. : Quand on est une TPE, on endosse plusieurs casquettes dans une même journée. Commerçant, négociateur, communiquant quand on fait une visite, comptable … Nous sommes de vrais couteaux suisses !
Nous avons bien entendu fait des formations et le contenu que nous offre l’association est très riche, cela nous donne la possibilité d’aller puiser des idées pour nous enrichir. C’est le cas par exemple avec le livre « Voyage au cœur du management ». Il y a des choses que nous allons certainement pouvoir transposer auprès de nos collaborateurs.
Nous voulons prendre soin de nos salariés, d’autant plus que nous avons du mal à recruter, à trouver les bonnes compétences. La pénibilité de ces métiers fait peur. Et le travail manuel est peu valorisé en France, même s’il y a une volonté politique de le faire. Il est pourtant absolument indispensable !
Par exemple, dans notre métier, on ne pourra pas mécaniser notre travail. C’est absolument impossible qualitativement et ça l’est également car nous devons respecter un cahier des charges qui nous l’interdit, justement pour préserver cette qualité de matière première
( NDLR : l’appellation Champagne est rattachée à un cahier des charges très précis).
Malheureusement, l’apprentissage reste quand même largement dénigré, même s’il retrouve quelques lettres de noblesse, arrivé à un certain degré d’étude.
Ce serait formidable si l’association pouvait porter ces changements de culture : on sait que ce sont les grandes entreprises qui donnent les tendances, qui peuvent faire évoluer les mentalités, elles en ont les moyens financiers et de communication pour le faire.
Nous parlons d’artisanat et c’est un vrai savoir-faire essentiel, d’autant plus avec la transition écologique ou les relocalisations sont de nouveau d’actualité. Et celles-ci agissent sur plusieurs aspects : relocaliser un savoir-faire, revitaliser les régions …
ESF : Un dernier mot ?
B.P. : Il faut absolument faire le MOOC ESF Réussir l’accueil et le Service en France ! Je pense à 2024, on va accueillir le monde entier…Et j’espère bien d’ailleurs qu’ils vont venir chez-nous !
C.B. : Tout à fait d’accord, le format MOOC est vraiment très efficace et très riche. Je le fais à mon rythme…C’est parfait !
Philippe Faure pour esprit de Service France – juillet 2023