Retour sur la Convention Esprit de Service France du 7 octobre 2022, par Olivier Haertig.

Olivier Haertig

Olivier Haertig était parmi nous lors dernière convention du 7 octobre, au Cercle de l’Union Interalliée. Il nous en livre un résumé des interventions et les points saillants qui ont retenu son attention.

1- Échange avec un négociateur du Raid sur l’agressivité
Frédéric X, membre du RAID (anonyme)
Frédéric Bonneton, CEO de MCR Groupe

L’agressivité est devenue un mode de communication. Beaucoup de nos contemporains n’ont reçu aucune formation à contenir ou gérer leur colère d’autant qu’ils ne disposent que d’un vocabulaire souvent appauvri. Ils se trouvent souvent en incapacité de prendre la moindre distance avec leurs émotions.
Paradoxalement, dans les périodes de crises ou d’évènements majeurs vécus collectivement (comme le premier confinement), l’agressivité est comme mise en sommeil, mais elle reste sous-jacente et ne fait que s’accumuler de façon souterraine.
Elle est parfois simulée ou théâtralisée (notamment dans les situations de négociation). Mais le plus souvent, elle explose avec des bordées d’injures dirigées vers l’interlocuteur du moment.
Le négociateur sait que ces insultes ne lui sont pas directement destinées. Il n’y voit qu’un désir de communication et une ouverture possible vers une négociation.
Il doit manifester constamment de l’empathie vis-à-vis de celui qui l’agresse verbalement pour poursuivre le fil de l’échange et descendre l’escalier comportemental.
Il lui faut maintenir un cap précis dans un cadre fixé avec sa hiérarchie, par écrit (pour éviter toute ambiguïté). Ce cadre lui donne des limites et définit ce qui n’est pas négociable.
Le négociateur doit impérativement être en bonne santé physique et mentale. S’il a des idées noires ou ressasse des difficultés personnelles, il perdra pied dans la négociation. Il doit se désister.


2-Les conséquences de la vente omnicanale sur les clients et les commerciaux
Régine Vanhemms, Professeure agrégée des Universités

La vie des commerciaux a radicalement changé à partir de 2010 avec la multiplication des canaux de vente et des points de contact. Le Covid a par ailleurs fait naitre de nouvelles formules, comme les visites à domicile des opticiens d’Optic 2000, la réapparition des camions-vente, l’utilisation de points de vente tiers (par exemple Décathlon hébergé par Auchan).
Avec l’omnicanal, le client peut acheter n’importe quoi à tout moment en sélectionnant un ou plusieurs canaux de son choix.
Est-il plus heureux ? On peut en douter quand on observe la montée de son agressivité et des incivilités auxquelles sont confrontés les commerciaux.
Il supporte mal (de même que le commercial) les dysfonctionnements qu’il constate dans le nouvel environnement. Les informations divergent selon les canaux. Le commercial est polarisé sur sa relation immédiate avec le client et reste aveugle aux autres canaux, y compris le site de sa propre entreprise. Les différents canaux se renvoient la balle pour traiter les réclamations du client (les opérateurs de téléphone mobile sont particulièrement concernés) qui doit inlassablement répéter ses doléances à différents interlocuteurs dont aucun ne se sent responsable de sa relation avec lui. On peut comprendre parfois son exaspération.
Le téléconseiller qui prend in fine la main ignore que le client a derrière lui un long et inutile parcours quand il lui expose sa situation. Il ne comprend pas l’irritation du client alors qu’il se met justement à sa disposition.
Toutes ces émotions négatives et ces frustrations résultent d’une mauvaise maîtrise du multicanal. Le client n’a jamais autant donné de son temps pour échanger des informations et tenter de trouver lui-même des solutions mais il ne s’est jamais non plus senti aussi seul et démuni.
Le temps du commercial parait donc être revenu. On sait que le client ne se souvient que des interventions humaines, fût-ce une plaisanterie approximative de son interlocuteur. Il n’a aucun souvenir (dans le meilleur des cas) de ses échanges avec des robots. Ce n’est pas l’expérience qui fait revenir le client mais le souvenir qu’il en a. Pourquoi alors le courant ne passe-t-il pas entre le client et le commercial enfin joint, même tardivement ?
C’est que les techniques de vente qu’on a apprises aux conseillers et commerciaux n’ont pas évolué depuis des décennies : identification du besoin, présentation des offres, réponse aux objections…
C’est oublier qu’aujourd’hui, le client baigne dans internet. Quand il décide de joindre un commercial, Il a déjà effectué la plus grande partie du chemin. Il a clairement identifié son besoin, consulté les offres du marché et pressenti son fournisseur.
Il demande essentiellement au commercial de se mettre à sa disposition et d’adopter la posture qui lui permettra de prendre sa décision en toute confiance. C’est une posture d’empathie à même de transformer la décision d’achat en émotion positive.
Un constat : Apporter et recevoir une émotion positive ne va plus de soi au moment où l’interposition des écrans brouillent les perceptions (il y a beaucoup de sourires devant les portables, mais ceux à qui ils sont destinés ne les voient pas et ceux qui les voient ne les comprennent pas…). C’est là qu’un excellent commercial fait toute la différence.


3- Debriefing Ateliers / Word café sur les Paradoxes – Esprit de service France 2022
Emmanuel Richard, Directeur Général Extens Consulting
Agnès Baillot, Secrétaires générale Esprit de Service France
Valérie Vital, Directrice générale associée Communication Qualité
Jean-Yves Lépine, Trésorier Esprit de Service France
Une table ronde animée par Frédéric Bonneton, CEO de MCR Groupe

Le panel a mis en exergue des irritants qui polluent la relation commerciale. En tête : la difficulté à joindre le client, la mise sous contrainte de la relation commerciale (minutage) qui la rend moins conviviale et lui fait perdre sa spontanéité. Les déjeuners avec les clients avaient du bon…
Les commerciaux ont besoin d’outils plus souples, pour connaitre le parcours du client et lui éviter d’exposer une nouvelle fois ses difficultés.
Ils ressentent un éloignement grandissant des top managers, qui ont souvent court-circuité les managers de proximité pendant la période Covid et échouent à leur communiquer le sens de leur action.
Comment préserver l’emploi des commerciaux ?
Il manque actuellement 150 000 commerciaux en France. Pour les attirer dans son entreprise, les valeurs affichées et prouvées comptent de plus en plus. Les réseaux sociaux ne pardonnent pas les écarts constatés par les salariés. Les intentions du top management mal explicitées paraissent vite inavouables.

Il est essentiel de renforcer le potentiel des vendeurs en les mettant en confiance vis-à-vis de leur entreprise (vécu positif des valeurs affichées), des solutions techniques proposées et surtout d’eux-mêmes. Paradoxalement, le panel ESF n’a pratiquement pas cité la confiance comme élément clé de la relation. Probablement parce que le commercial évolue dans un monde de défiance où la suspicion est devenue une norme positive et où on surévalue la rationalité des choix des clients.
En réalité, le processus de décision est fondé sur l’émotion ressentie, donc sur la relation humaine avec le vendeur. Les meilleurs vendeurs ne sont pas ceux qui offrent la meilleure solution au client, car celui-ci l’identifie le plus souvent par lui-même, mais ceux qui savent établir avec lui un climat émotionnel positif et rassurant.


4 – Regards croisés de dirigeants sur les clés de réussite
Nandini Colin, Directrice RH et RSE Frans Bonhomme
Emmanuel Bavoux, Responsable pôle marchés GRDF
Brice Chambard, Fondateur CEO OBIZ Concept
Guillaume Sampic, Directeur Général Media 365
Une table ronde animée par Charles-Heri Besseyre des Horts, Professeur Émérite HEC Paris


Pendant le confinement, les commerciaux ont pris l’habitude de contacter leurs clients simplement pour prendre de leurs nouvelles. Cette empathie a été très appréciée de part et d’autre.
Les clients ont besoin de contacts en dehors du focus strictement commercial. Après le confinement, le retour aux « déjeuners d’affaires » a permis de combler un manque cruel de relation.
Le vrai leader est au service des autres. Il s’est persuadé que c’est celui qui fait qui sait.
Le leader se reconnait à sa vision ET à sa capacité à la faire passer. On attend de lui qu’il donne le cap et le rythme.
Il faut aimer les clients, leur poser beaucoup de questions pour comprendre leurs enjeux et leur donner du temps, les rencontrer physiquement. Attention à ce que le digital et le multicanal ne détruisent pas cette indispensable empathie.
Les collaborateurs doivent se sentir libres d’échouer pour mieux rebondir.


5 – Serge Trigano, invité d’honneur « Du Club Med au Mama Shelter, la saga de la famille Trigano »
Entretien animé par Charles-Heri Besseyre des Horts, Professeur Émérite HEC Paris


Serge Trigano a publié un livre sur la saga da sa famille depuis les années cinquante. Il y cherche le fil rouge de ses aventures et de ses succès, du matériel de camping à Mama Shelter en passant par le Club Med.

Il nous livre l’enseignement majeur de ce parcours : la première clé du succès est l’engagement et l’enthousiasme des collaborateurs. Ils doivent s’approprier l’entreprise et considérer leur métier comme une école de vie. Ils mettront alors spontanément au premier rang de leurs préoccupations la qualité de la relation humaine dans la durée.
Cet engagement n’est possible que s’ils se sentent bien dans leur entreprise et s’ils bénéficient des mêmes attentions. Les collaborateurs, comme les dirigeants, doivent donner de l’amour.
Le savoir-faire de la famille Trigano a été de tisser une dimension affective et de partager des émotions avec ses équipes, d’anoblir leur métier et de les en rendre fières. Quand on manifeste constamment des attentions et de la gentillesse aux équipes, elles en gratifient à leur tour les clients. C’est plus puissant qu’un contrôle de gestion ou un business plan.
Cet état d’esprit se manifeste par l’importance de la promotion interne et la faiblesse du turnover, dans des métiers fortement pénalisés par une grande infidélité de leurs collaborateurs (la durée moyenne en poste dans le secteur de l‘hôtellerie est de 18 mois). C’était le cas au Club Med, c’est encore le cas à Mama Shelter.

Olivier Haertig pour Esprit de Service France – Octobre 2022

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